Faire appel à un correcteur ? Bizarre ! – 1/3

 

Il est souvent difficile pour quelqu’un ne connaissant pas ce métier de l’ombre d’estimer à sa juste valeur le travail d’un correcteur. Quand certains sont surpris que l’on puisse avoir ne serait-ce que l’idée saugrenue de payer quelqu’un « pour relire des textes en français » (« Ah, mais t’es pas traductrice, en fait ? Tu veux dire que tu ne bosses que sur des textes EN FRANÇAIS ?… Mais qui est assez fou pour payer pour ça ? »), d’autres imaginent tout juste ce que cette activité implique concrètement.

Parce que j’aime mon métier, que l’un de mes souhaits les plus chers est qu’il soit connu et reconnu – même si je ne l’ai certainement pas choisi pour la gloire –, voici une série de billets destinés à vous aider à mieux le connaître.

Pour entamer cette série de trois billets, plantons le décor :

 

Corriger un texte, ça veut dire quoi, au juste ?

 

Si vous avez jeté un coup d’œil à ma page « Prestations », vous savez déjà que corriger un texte implique de vérifier et de mettre en conformité les éléments suivants :

  • l’orthographe (coquilles et fautes) ;
  • la grammaire (syntaxe, respect des règles d’accord et de conjugaison) ;
  • le vocabulaire (élimination des pléonasmes, répétitions et confusions de sens) ;
  • la typographie (usage des capitales, de l’italique et des espaces, coupures en fin de lignes et de colonnes, application de feuilles de style et de règles éditoriales éventuellement requises) ;
  • la ponctuation ;
  • les éléments contextuels cités (dates, lieux, noms propres, etc.) ;
  • la cohérence et le sens du texte (correspondance des légendes avec les illustrations, présence des notes indiquées, numérotation des titres, sous-titres et pages, composition du sommaire, terminologie, etc.).

L’intervention du correcteur peut être de la plus légère (correction orthotypographique de base, qui consiste à vérifier l’orthographe d’usage, les accords, la grammaire, la ponctuation et la syntaxe) à la plus complète (avec la vérification des éventuels éléments contextuels cités – dates, lieux, noms propres, etc. –, de même que la mise en évidence des répétitions et autres lourdeurs impliquant des propositions de reformulation).

 

Un correcteur professionnel, ça fait quoi, concrètement ?

 

Première chose à savoir : pour corriger un texte, un correcteur ne va pas le lire. Enfin, pas comme vous l’imaginez peut-être, tranquillement avachi dans un fauteuil ou allongé dans un parc. C’est inévitable : quand on s’attache au sens, quand on se laisse entraîner par l’histoire, par le propos, on ne voit plus les fautes… Pas toutes, en tout cas.

Il est impossible d’être attentif à la fois au fond et à la forme. Ainsi, plusieurs relectures s’avéreront généralement nécessaires, pour réaliser un travail de qualité. Et plus on interviendra sur le texte, plus on le reformulera, plus il faudra se relire. On risque en effet de déséquilibrer des tournures, des accords ou la syntaxe de certains passages, à force de les retoucher.

En pratique, chaque correcteur a ses habitudes. Mais que nous travaillions sur papier (c’est notamment le cas pour certaines maisons d’édition) ou sur support numérique, le principe est le même : nous décortiquons les mots, signe après signe ; nous épluchons chaque caractère, un par un. Il s’agit d’une méthode de lecture très particulière, qui s’apprend, et qui s’entretient.

Voici ma manière de procéder : je corrige dans un premier temps les fautes évidentes, je mène les recherches rapides relatives aux points qui me donnent un peu plus de fil à retordre, en m’appuyant sur des ouvrages de référence (format papier et numérique) – au choix, selon le contexte : le Larousse, le Robert, le Jouette, le Thomas, le Girodet, le Grevisse, le Bescherelle, le CNRTL, la Banque de dépannage linguistique, le Lexique des règles typographiques en usage à l’Imprimerie nationale, le Mémento typographique, le Ramat européen de la typographie, Le Conjugueur, divers précis de ponctuation, etc. Si nécessaire, j’annote le texte à l’aide de commentaires ou de Post-it, pour expliquer une proposition de reformulation, fournir une source utilisée pour une vérification ou repérer un point plus complexe à revoir dans un second temps, par exemple.

Lorsque je travaille sur papier, j’utilise les signes de correction pour indiquer les modifications à apporter.

Lorsque je travaille sur un support numérique où cette option est disponible, j’active systématiquement le suivi des modifications ; sinon, j’utilise les commentaires pour signaler mes propositions : libre ensuite à l’auteur ou à l’éditeur de les intégrer ou non. Selon le support, le type de contenu et la demande qui m’est faite, je prépare ensuite un second exemplaire du document, dans lequel toutes les corrections sont intégrées.

Lorsqu’il m’est demandé de travailler sur le style ou la structure du texte, ou encore de le reformuler, je le relis plusieurs fois pour en vérifier la fluidité.

Dans le cas d’une relecture sur support numérique, j’ai pour habitude de commencer par balayer le texte avec un outil de correction (Antidote me suffit) pour le nettoyer grossièrement, notamment en ce qui concerne la typographie. Une fois la relecture approfondie effectuée, j’effectue en règle générale une dernière vérification du texte complet, toujours à l’aide d’Antidote.

 

Corriger un texte, c’est rapide à faire

 

Quelques chiffres, pour commencer :

  • un roman de 500 pages comporte environ 750 000 signes espaces comprises (s.e.c.) – le mot « espace » est du genre féminin, en typographie ;
  • en préparation de copie (première relecture d’un ouvrage non corrigé), il est d’usage de considérer qu’un correcteur professionnel traite en moyenne 8 000 s.e.c. par heure de travail ;
  • en seconde relecture (décoquillage léger), ce rythme moyen passe à 12 000 s.e.c. par heure ;
  • en troisième relecture (sur bon à tirer), étape rarissime, on atteint les 18 000 s.e.c. par heure.

La relecture de notre roman de 500 pages nécessitera donc :

  • 94 heures, en préparation de copie ;
  • 62,5 heures, en seconde relecture ;
  • 42 heures, en troisième relecture.

Ces valeurs sont des moyennes. Bien entendu, plus le texte à corriger s’avère complexe ou technique, plus il comporte d’éléments à vérifier, plus il faut de temps pour le traiter. La réciproque est naturellement vraie.

Dans tous les cas, cet exercice requiert une concentration extrême ; d’autant plus lorsqu’on travaille sur papier, où il est impossible de redimensionner la taille du texte ou des interlignes, par exemple.

Au bout d’un moment, l’œil sature, il ne « voit » plus les fautes, le cerveau prend le relais et corrige automatiquement : il faut donc prévoir de faire des pauses régulières. De plus, il est illusoire d’imaginer être en mesure de travailler de manière irréprochable en enchaînant des journées de douze heures.

Vous l’aurez compris, corriger un texte, ça prend du temps.

 

Dans le prochain billet, il sera question de la condition du correcteur professionnel indépendant, un entrepreneur comme les autres (avec une valeur ajoutée et des frais) :

  • Je suis bon en français (ou ma mère/sœur/cousine/voisine l’est) : pas besoin d’un correcteur professionnel.
  • Être correcteur professionnel, ça ne coûte rien.

 

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