Après avoir lu les précédents billets, vous devez mieux cerner en quoi consiste le métier de correcteur.
Désormais, vous savez :
L’heure est venue de parler d’argent et de considération :
- Bon, en fin de compte, combien ça coûte, une prestation de correction ?
- Le métier de correcteur mérite d’être reconnu à sa juste valeur
Bon, en fin de compte, combien ça coûte, une prestation de correction ?
Faire appel à un correcteur professionnel a un coût, c’est évident. S’agissant d’un métier non réglementé, il n’existe pas véritablement de norme permettant d’évaluer le tarif d’une prestation facturée. Cela explique la diversité des prix pratiqués, notamment.
Pour répondre à la question, le juste prix d’une prestation de correction dépend :
- du temps passé à corriger votre texte (valeur ajoutée du correcteur) ;
- du temps passé à gérer votre demande sur le plan administratif (devis, planification, discussions, facturation, suivi de l’encaissement)
- de tous les frais d’activité, fiscaux et sociaux listés précédemment.
Pour essayer d’y voir plus clair, partons d’un cas concret : imaginons que vous souhaitiez faire corriger un roman de bonne qualité (ne nécessitant que peu de travail) de 300 000 s.e.c. (soit environ 200 pages imprimées).
Cela représente environ 20 heures de temps de travail productif (à un rythme moyen de 15 000 s.e.c./heure).
Supposons que votre budget s’élève à 200 euros T.T.C.
Nous allons maintenant estimer autant que possible ce que gagnera réellement le correcteur qui travaillera pour vous dans de telles conditions tarifaires, qui correspondent à un taux horaire brut de 10 euros T.T.C. Ce calcul est une estimation « à la louche ».
Aux 200 euros T.T.C., il faut retrancher :
- environ 30 % de charges sociales et fiscales (selon le statut), soit 60 euros ;
- 1,60 euro de frais d’activité estimés plus haut par heure travaillée, soit 32 euros ;
- une provision arrondie à 10 % au titre des congés payés, soit 20 euros.
Il reste 88 euros net dans la poche du correcteur, en imaginant qu’il n’est pas soumis à la TVA (auquel cas, il faut encore soustraire 40 euros, pour atteindre 48 euros net).
Champagne ! Le taux horaire net de votre correcteur s’élève donc à… 4,40 euros (s’il n’est pas soumis à la TVA) ! S’il est soumis à la TVA, on obtient alors le montant de 2,40 euros net par heure travaillée.
Pour mémoire, le SMIC horaire avoisine les 7,50 euros net (base = 1 137 euros brut par mois, un mois comportant 151,67 heures travaillées), à la date de publication de ce billet. Pour vérifier ces données, rendez-vous ici.
Encore une fois, il ne s’agit que d’une estimation. Mais elle me semble significative.
Pour résumer, si vous vous attendez à débourser 200 euros T.T.C. pour faire corriger votre ouvrage, vous faites erreur. Et si vous payez ce prix-là (on trouve de tout, comme je vous le disais…), c’est que le correcteur qui travaille pour vous touche une rémunération inférieure à celle de n’importe quel salarié payé au SMIC, la protection du chômage en moins en cas de cessation d’activité (et entre autres joyeusetés, il vaut mieux ne pas tomber « vraiment » malade, non plus). Cela vous semble-t-il normal ? Dans ces conditions, à quel niveau de qualité pouvez-vous vous attendre ?…
Selon une étude publiée le 25 novembre 2015 par le Projet Voltaire, « la moyenne des tarifs horaires [de nos confrères les écrivains publics] varie entre 35 et 45 euros H.T. » : pourquoi cela devrait-il être différent pour nous autres, les correcteurs ? La valeur de notre travail est-elle négligeable ?
Le métier de correcteur mérite d’être reconnu à sa juste valeur
Pour conclure, vous avez passé du temps – parfois énormément – à mettre vos idées par écrit. Quel qu’en soit l’objet, votre texte a tout à gagner à passer entre les mains (ou plutôt sous les yeux) d’un correcteur professionnel, quitte à patienter encore un peu avant de le voir publié ou diffusé.
Si vous écrivez un roman, personne ne pourra vous garantir que parce que vous l’aurez fait corriger avant de le soumettre à un éditeur, il sera publié. Si vous faites corriger le contenu de votre site Internet, vous ne croulerez pas forcément sous les commandes de vos clients. Si vous faites corriger votre thèse, vous ne serez pas automatiquement diplômé.
En revanche, lorsque vous publiez ou diffusez un texte non relu, c’est un peu comme si un chef cuisinait en piochant dans ses ingrédients, sans s’assurer qu’ils ne sont pas périmés ni contrôler la température à laquelle ses plats sont servis : les assiettes qu’il concoctera seront peut-être superbes, mais leurs saveurs s’en trouveront altérées, quand elles ne se révéleront pas totalement indigestes.
Certes, personne ne risquera sa vie en lisant un texte truffé de fautes (quoique cela se discute, quand on connaît le poids d’une simple virgule dans une phrase…). Cela étant, le message que vous souhaitez transmettre risque d’y perdre en clarté, en sens. Et vous, en crédibilité. Un lecteur à l’œil neuf risque d’être perturbé par une ou plusieurs simples coquilles (qui n’en oublie pas ?)… et de tout simplement passer à autre chose, voire de douter de la qualité de votre travail et de vos compétences.
Plutôt dommage, non ?
Voilà, cette série de billets est terminée, et je vous remercie de l’avoir lue.
J’espère vous avoir aidé à mieux appréhender les rouages de ce passionnant métier de l’ombre. Peut-être que ces éléments vous inciteront à sauter le pas et à faire appel à un correcteur ? Ou peut-être vous reste-t-il quelques points à éclaircir ? Le cas échéant, n’hésitez pas à me contacter !
À bientôt !
Très sympa et la dynamique du récit m’a emportée et réjouie.
Félicitations d’une consœur qui travaille sur des sites Internet professionnels avec des métiers parfois très techniques et complexes (cf. les recherches que vous évoquez) ainsi que sur des textes plus ou moins bien écrits… Merci de cette production enlevée !
Sophie Curmi
Lectrice et Correctrice professionnelle
viadéo / linkedIn / Facebook /
Merci à vous, Sophie !
Je suis sincèrement très heureuse et touchée de voir que cette série de billets est bien accueillie par mes confrères et consœurs. J’espère ainsi parvenir à mon niveau à contribuer à une meilleure connaissance et reconnaissance de notre métier.
Merci beaucoup ! Excellente description de notre beau métier, explications claires et concrètes pour tous ceux qui en ignorent tout. Je fais suivre !
Merci pour votre relais, Céline ! N’hésitez pas à faire passer le message.
Excellent !
Tout à fait ce que nous pensons tous et toutes, surtout quand on lit certains romans publiés !
Une coquille dans le deuxième billet : ordre d’idée il m’a semblé qu’il manquait le d. Eh oui finalement on reste toujours correcteur.
Odile
Deux fois merci, Odile ! Pour votre commentaire, et pour m’avoir signalé cette vilaine coquille, bien sûr.
Bonjour Fabienne, et bravo !
L’exposé est complet et vivant, précis, je ne manquerai pas d’y renvoyer ceux qui s’interrogent sur notre métier.
Merci pour ce travail fort utile !
Amicalement,
Marie-Christine
Bonjour Marie-Christine !
Je suis très heureuse de te retrouver par ici.
Merci à toi pour ton retour, et au plaisir de te recroiser très bientôt, j’espère !
Bonjour Fabienne (et Odile). On écrit même : ordre d’idées, car dans un ordre (un genre), il y a plusieurs éléments. Eh oui ! on reste toujours correcteur…
Bonjour Bernard ! Merci pour votre commentaire. En revanche, le Jouette et le Thomas acceptent bien les deux graphies « ordre d’idée » ou « ordre d’idées ». Le Thomas préfère d’ailleurs le singulier. 😉
Bonjour, je suis correctrice depuis un an via la SMart (en Belgique).
Un possible client refuse le tarif horaire (d’habitude, je demande 19 brut htva) et préfère un tarif par 1000 signes espaces NON compris : 50 cents.
En faisant mes calculs cela me semble très bas. Est-ce aussi de l’exploitation ? Dois-je accepter ?
Bonjour, Floriane !
Difficile de me prononcer sur ce tarif, sans savoir quel type de texte vous allez devoir relire ou quel type de travail vous allez devoir effectuer.
Cela étant, 50 centimes pour 1 000 signes, cela me semble vraiment très bas.
Et en ce qui concerne les espaces, il s’agit de signes aussi importants que les autres, que nous autres correcteurs sommes amenés à vérifier. Et ils correspondent à près de 20 % d’un texte, en français.
La différence est donc de taille entre un tarif tenant compte ou non des espaces…
Pour décider d’accepter, de renégocier ou de refuser cette demande, il vous faut estimer combien de temps elle vous occupera et le montant auquel vous allez pouvoir la facturer, compte tenu du volume total à corriger. En tenant compte des charges liées à votre activité, vous serez alors en mesure de calculer le montant net que cette commande peut représenter, ainsi que votre taux horaire net.
Bons calculs !
Excellent article. Merci de tout cœur pour votre travail.
Merci à vous !